Je viens de tomber par hasard sur cet article, c'est effrayant
Etranglée par ses emprunts estudiantins, la jeunesse américaine commence à se mobiliser dans les universités. Alors que la dette globale des diplômés a dépassé le billion de dollars cette année, “Occupy Graduation” dénonce l’augmentation hallucinante des frais de scolarité, véritable frein pour l’avenir.
Dans l’ombre du « printemps érable », une nouvelle vague de protestation déferle sur les États-Unis. La révolte pacifique des québécois contre l’augmentation de leurs frais de scolarité fait des émules au sein d’une douzaine d’universités américaines. Pas de cris, de panneaux ou de slogans lors des cérémonies. Le principe du mouvement « Occupy Graduation » se veut respectueux du protocole et des élèves non concernés : lors de la remise des diplômes, les étudiants mobilisés arborent sur leurs chapeaux si caractéristiques le montant de leurs emprunts. Certains trainent un boulet de bagnard gonflable symbolisant le poids de la dette qu’ils s’apprêtent à supporter en entrant sur le marché du travail.
Un investissement risqué sur l’avenir
Ryan Witt, 30 ans, est sorti de l’université de Floride en 2005. Grâce à un programme gouvernemental, il a pu bénéficier d’un abaissement de ses frais de scolarité, à condition de s’inscrire dans une école publique : « Ça m’a permis de sortir de l’université avec seulement 20000 dollars de dette que je continue quand même à rembourser. Mais pour les étudiants admis dans des écoles privées, ou qui ont dû contracter plus d’emprunts que moi, ça peut facilement dépasser les 150000 dollars… Un vrai fardeau ! ». D’autant que nombre de ces étudiants sur-diplômés se retrouvent avec des petits boulots ne nécessitant aucune compétence particulière. Des emplois qui ne leur permettent pas d’assumer une vie de famille, en plus de leurs obligations financières.
Comme à son habitude, Doo-Occupy combat l’injustice en chanson.
Dans un contexte économique difficile, les études supérieures apparaissent de moins en moins comme un passeport pour le rêve américain. D’ailleurs, 93% des « baby boomers » supportent financièrement leurs enfants, que ce soit pour rembourser les emprunts étudiants, la voiture ou le loyer. Trois diplômés sur dix sont même contraints de retourner vivre chez leurs parents à la sortie de leurs études. Edward Needham, organisateur de « Occupy Student Debt », s’inquiète des proportions que peut prendre cette situation problématique :
“Nous notons déjà une augmentation énorme des prêts étudiants à travers le pays. Ça commence à atteindre un niveau similaire à celui des prêts hypothécaires, quand ils ont commencé à faire défaut. C’est une spirale infernale.”
En 2012, 1,8 million d’étudiants vont sortir diplômés des universités américaines. Parmi eux, 94% supportent des emprunts pour pouvoir payer leurs études. Si l’on compare avec les chiffres de 1993, où seulement 45% des étudiants s’étaient endettés pour accéder aux études supérieures, le constat est alarmant. La somme totale des emprunts étudiants excède le billion de dollars, dépassant celle des crédits alloués pour les automobiles ou les cartes de crédit. Malgré les aides perçues par la moitié des étudiants pour financer leurs études, elle a gonflé de 511% entre 1999 et 2011.
Des universités trop gourmandes
Les raisons de la hausse spectaculaire des prêts aux étudiants sont multiples. La première, la plus logique, est celle de l’augmentation du nombre d’étudiants. Mais elle ne suffit pas à expliquer la crise actuelle. Le problème principal réside dans la facilité avec laquelle les prêts étudiants sont accordés aux États-Unis. Conscientes de ce facteur, les universités n’hésitent pas à augmenter les frais de scolarité d’année en année. Dans tous les cas, les bancs des amphis seront garnis. Devant la gourmandise des établissements, le coût de l’enseignement supérieur a augmenté de 440% en 25 ans, soit quatre fois plus que l’inflation et deux fois plus que les frais de santé. En 2009-2010, les frais de scolarité annuels aux États-Unis tournaient autour de 17000 dollars par an.
En campagne, Barack Obama souhaite un rallongement de la loi sur les taux d’intérêt pour les prêts étudiants (College Cost Reduction and Access Act) qui prend fin le 1er juillet prochain. Ratifiée en 2007 par Georges W. Bush, elle permet d’abaisser de 6,8% à 3,4% les taux d’intérêt pour les futurs diplômés. En visite à l’université de Caroline du Nord, début mai, il a rappelé que ce problème concerne une majorité d’Américains, même ceux qui ont réussi leur carrière : “Attention, rappelez-vous que je suis quand même le président des Etats-Unis ! Eh bien, on (lui et sa femme Michelle, NDLR) a fini de payer notre emprunt il y a seulement huit ans.” Mais les Républicains s’insurgent contre cette motion coûteuse pour les contribuables (environ 6 milliard de dollars selon eux). Devant l’importance du sujet, les deux partis se sont tout de même accordés sur le fait qu’il fallait éviter une hausse drastique de ces taux.
Quelle qu’en soit l’issue, cette situation risque d’avoir de graves répercussions sur la croissance américaine. Les experts s’attendent à des dépenses plus faibles de la part de ces diplômés surendettés, au moins dans les premières années de leur vie active. Après la bulle immobilière, les États-Unis se trouvent face à une nouvelle bombe à retardement. Et lorsque les étudiants américains constatent le sort de certains retraités, qui accusent toujours le poids des emprunts contractés pour financer leurs études, ils savent qu’ils n’ont pas fini de se serrer la ceinture.